Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
pereg.over-blog.com

Reprise et sommet

21 Septembre 2020 , Rédigé par Pereg

Au sommet du Liban, Qurnat es Saouda

Au sommet du Liban, Qurnat es Saouda

Pour la première fois depuis fort longtemps, je ne suis pas à l’heure au rendez-vous de l’écriture. Revenu à plus de 22h30 chez moi, publier mon article dimanche soir à minuit passé ne poserait problème si je n’avais pas école à 8h, mais comme c’est le cas, j’ai avancé le plus possible avant que le sommeil ne me kidnappe. On pourrait me dire que j’aurais du faire attention, préparer un peu ma bafouille avant de partir pour une journée comme celle que j’ai vécu mais je me suis promis de ne m’obliger à rien alors j’ai préféré retrouver mon carnet et laisser l’article pour ce soir. Jour de la première rencontre avec mes élèves, ce qui est tout un évènement en soi déjà. Mais avant de vous dire combien mes élèves sont charmants, je vais revenir sur la semaine passée, et ce dimanche un peu particulier.

Revenir au lycée le lundi 14 septembre fut assez spécial, dans un amphi avec seulement les collègues du primaire pour ne pas avoir trop de monde, masque sur le nez pour tout le monde et distance obligatoire, cette prérentrée fut assurément particulière, d’autant plus que les bâtiments, avaient été nettoyés mais pas réparés depuis l’explosion du 4 août, ce qui compliquait déjà les choses. Malgré tout, retrouver l’ambiance de l’école m’a fait du bien, moi qui n’avait pas mis les pieds dans l’établissement depuis début mars.

Alors on a suivi les directives cahin-caha, pour faire un emploi du temps, en présentiel, en hybride un jour sur deux, et celui que nous avons actuellement, à distance. Oui car la rentrée des classes ici se fait avec un enseignement à distance. Qu’importe le niveau, ce n’est jamais une bonne nouvelle que de savoir que l’on ne verra pas ses élèves dans l’immédiat, mais pour moi qui suis en élémentaire, c’est d’autant plus difficile. La vacuité d’une salle de classe après le chambardement d’une journée d’école est satisfaisante. Le silence glacial d’une pièce qui n’a pas vu d’enfants a quelque chose de si déroutant et détestable. On a fait ce que doit avec les collègues et prêts à démarrer l’année en visioconférence avec les élèves, après avoir eu une réunion avec les parents. C’est un peu le monde à l’envers, mais c’est celui qui a été imposé. Je râle mais c’est vrai qu’en primaire, il y a un lien physique avec nos élèves, ils sont avec nous pour un an, alors démarrer par un écran c’est délicat… Ce qui me rend d’autant plus dubitatif pour des enfants des classes de maternelle.

Je me trouvais assez critique avec la verticalité politique, la vivre dans le travail est tout autant douloureuse que l’essence même de notre travail est remis en cause : la liberté pédagogique. On nous demande que chacun fasse comme les autres, et ainsi sans tête qui dépasse, un nivellement complet pour assurer la cohérence. Les circonstances sont spéciales certes, et il faut prendre des mesures pour être sur d’être cohérent sur les classes d’un même niveau, mais de là à imposer les choses, c’est une autre histoire. J’ai beau me répéter que mon travail n’est pas ma vie, il en occupe malgré tout une place bien essentielle et le faire correctement est un minimum. Les enfants avant tout. Mais je me suis promis de ne pas y passer ma vie et telle que l’année démarre, je me dis qu’il va être encore bien chronophage…

Pour autant je me suis permis de bien profiter du weekend, une belle soirée avec Tommy et Daniel à nouveau, un samedi matin au calme et un après-midi plus actif. Une soirée à Hamra, ce qui faisait longtemps pour rester tôt mais quand même. Et enfin dimanche. Ce dimanche je l’attendais depuis quelques temps déjà, pour la destination et la manière. Qurnat es Saouda, le sommet du pays, 18km de marche « extrême Hiking ». Tous ces termes associées, il y avait de quoi me faire rêver. En plus, nous étions un bon groupe rassemblé. Levé à 6h, il me fallait rejoindre le bas de la place des martyrs pour trouver le bus qui nous mena au point de départ de la randonnée.

Après une très longue balade en bus durant laquelle j’ai pu finir un livre qui m’a beaucoup marqué « my absolute darling ». Une histoire brute et puissance qui ne peut laisser indifférent. Nous arrivions donc au nord, plus loin encore que la station des cèdres, au fond au fond de la Qadisha, sur ces monts bruts, où la verdure avait presque disparue au vent. Déjà à notre point de départ, je fus surpris de découvrir le nombre de personnes qui passaient par cet endroit, je savais les libanais peu enclin à la marche, il  y en avait bien plus de motivés que ça ne le laissait présager initialement.

On démarre doucement, et on se perd dans ce paysage désertique, sec, dont les sommets ronds et juste « pierreux » nous laissaient partir dans un autre univers. L’ascension fut douce, un peu trop à mon goût d’ailleurs, ne marchant pas vraiment à mon rythme, mais plus lentement. Si bien que lorsque je fus autorisé à démarrer dans la seule partie qui grimpait un peu, je me suis essoufflé rapidement de ne pas avoir posé mon pas avant. Une douce balade de 2h15 pour 11km et nous voilà au sommet. 3088m, mon second à une telle altitude, mais là, le point culminant d’un pays… Quelle ne fut pas ma surprise de voir des gens arrivés en quad ou en voiture à cette hauteur. Il faut croire qu’au Liban tout est fait pour éviter de marcher, mais le plaisir ressenti à cette altitude, je ne pouvais le feindre. Une photo avec mon drapeau et d’autres avec les amis, il était déjà l’heure de redescendre.

Ce moment a été beaucoup plus délicat, une amie s’étant fait une douleur au genou qui l’a accompagné sur le chemin de retour, transformé en chemin de croix. C’est là que je me dis que même si pour moi, je l’aurais qualifié de chemin bleu sur les degrés des niveaux de ski, pour des locaux on est à un niveau bien au-dessus. La perception de sa douleur, de son geste et la gestion d’un tel évènement par mon amie et le guide ont été aussi pour moi des éléments qui me font bien dire que je ne suis pas d’ici. Il est des colères que j’ai du mal à contrôler, celle-ci en fut une intense. Mais n’en demeure pas moins que je suis resté jusqu’au bout pour être sûre de l’arrivée. Je ne m’étendrais pas plus sur ce sujet.

Ainsi ce matin, pas de courbatures mais des coups de soleil plus violents qu’estimés, des brûlures sur la nuque et les mollets qui m’ont lancé toute la journée et qui resteront quelques jours encore. Heureusement ça ne se voit pas à la caméra pour mes élèves, qui se sont plutôt concentrés sur mon casque, ma pomme et mes lunettes. Même si je ne suis pas en faveur d’un tel dispositif d’enseignement, il n’y a pas le choix. Alors la découverte de mes pitchounes n’a pu que m’émouvoir. Par groupe de trois, je les ai découvert, c’est ainsi que l’on avait choisi de le faire avec les collègues de CE1. J’oublie à quel point en début d’année ils sont tous super mignons, et trop adorables. Balbutiant un peu le français pour certains, après un été à l’oublier ça n’est pas surprenant. Ou d’autres qui ne peuvent déjà plus s’arrêter de parler.

Le seul hic là-dedans c’est la connexion internet… Au début de la journée, je suis allé essayer le wifi de l’école qui m’a lâché rapidement… Rentré à l’appartement après deux groupes, c’est le routeur de l’appartement qui ne fonctionnait plus. Après avoir perdu 30 minutes dans une situation qui ne redémarrait pas. Je suis revenu à l’école, où des carreaux avaient enfin pris place aux fenêtres de ma classe. J’avais fait le forcing pour que ça soit fait le plus tôt possible, ça m’a bien sauvé la mise pour enfin voir l’ensemble de mes élèves avec un rattrapage pour la spoliation de certains. Soulagé d’avoir pu tous ou presque les rencontrer, je suis néanmoins curieux de voir comment va se dérouler une journée type telles que celles prévues à partir de demain… C’est une surprise et je ne doute pas une bonne partie de mon prochain article qui cette fois, sera probablement à l’heure.

Alors qu’il est temps de rejoindre Morphée, je pose les derniers mots et m’envole à nouveau dans les paysages magiques parcourus hier, cette randonnée m’a permis de voir un nouvel endroit de ce pays, un nouveau sommet et me confirmer que le chemin, que mon chemin est encore long.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article