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Désillusion, solitude et engagement

14 Juin 2020 , Rédigé par Pereg

le panneau qui m'a surpris.

le panneau qui m'a surpris.

Il m’est arrivé plusieurs fois quand j’habitais à Saint-Malo de me rendre dans un endroit un peu particulier, voir une tombe. Non, je ne parle pas de celle de ma grand-mère enterrée ici aussi, à laquelle j’ai toujours eu plus de mal à rendre visite, bien que je le fasse au moins une fois par an. Je parle de celle de François René de Chateaubriand sur le Grand Bé. Bien sûr, tout ça fait très malouin, alors je vais tenter de m’exprimer un peu plus clairement. Par-delà les remparts  d’intramuros, ville historique, reconstruite après la seconde guerre mondiale, il y a la plage du Bon-secours, mon endroit préféré ici, avec sa piscine d’eau de mer, et sa vue sur la baie, orientée vers Dinard. Dans cette vue, il y a deux ilots proches que l’on peut rejoindre à marée basse, le Grand Bé et le petit Bé. Ce dernier est un fort qu’il m’a été donné de visiter une fois. L’autre, un monticule de terre sur lequel s’élevait une forteresse oubliée, et actuellement une réserve ornithologique fermée au public. J’ai eu pour habitude de rendre visite à la dernière demeure de cet écrivain que je n’ai que peu lu, mais enterré face à cette mer qu’il a tant apprécié, quand un tourment un peu plus poussé qu’à l’ordinaire me prenait. Son lieu de repos, lieu de recueillement pour moi, mais surtout d’apaisement de turpitudes qui pouvaient être miennes. Cette image très baroque de l’homme face à la même, tel Barry Lyndon dans sa déchéance, mais sans Haendel en fond, est celle qui m’apaise. J’ai été élevé ici aussi, par des sorties avec les grandes marées claquant sur le sillon, par les baignades de la pointe de la Varde aux Bas-Sablons, par les cueillettes au rythme des saisons. Ainsi donc, en plus de l’attachement à ma terre et ma région, une part de mon cœur est à l’océan, et c’est cette partie qui se trouve soulagée le plus souvent quand je vais revoir Chateaubriand. Cette part est la plus ancrée sur ce rocher qui fut l’amarrage de nombreux marins d’excellence dans l’histoire.

Ainsi donc hier, en voulant m’y rendre, je fus surpris de devoir m’arrêter sur la plage avec un écriteau disant que cet ilot si cher à mon cœur n’était pas accessible actuellement. A défaut de revoir la mer d'où les oiseaux avaient nidifié, j’ai entrepris un tour des remparts, chose que je n’avais pas fait également depuis fort longtemps. De la cour des Hollandais avec la statue de Jacques Cartier, de celle de Duguay-Trouin à la porte de Dinan, j’avançais doucement, presque surpris par une foule que je n’attendais pas si nombreuse. Mais après les pluies matinales, nombreux comme moi sortaient enfin. Arrivé à la Porte Saint-Vincent, je suis resté regardé les passants remontant la rue éponyme, très nombreux et peu masqués, je pense que l’on peut dire que le virus est passé… dans les esprits en tout cas. Car dans les faits, une vigilance est forcément réclamée. Après l’hôtel de ville, la vue sur le fort nationale, je remontais vers la tour Bidouane, poudrière que la perfide Albion a souhaité faire sauté par le passé sans pouvoir réussir. De là, on rejoint la cour du Québec avec une statue du corsaire du Roy, Surcouf. C’est toujours étonnant de le voir pointé son doigt vers un Atlantique qu’il a souvent traversé. Un jour peut-être j’aurais le plaisir de le faire en bateau. Qui sait ? Déjà deux fois en avion, mais c’est une autre manière de voyager que de voguer sur les flots. Revenu à mon point de départ, l’escalier de la porte du Bon-secours, je descendais sur la plage m’allonger avec le livre qui est le mien actuellement, « les cerfs-volants » de Romain Gary. On me l’a offert récemment et je prends un réel plaisir à découvrir un peu plus cet auteur si génial et si particulier. Malgré la marée basse, on peut toujours se baigner avec la piscine, ainsi fût fait. Cependant je dois vous dire que je l’ai trouvé plus froide que je ne l’imaginais, peut-être aurais-je dû y rester un peu plus pour en apprécier pleinement la température ? Un aller, un saut du plongeoir et un retour, je n’en voulais pas plus.

Au lieu de ma sortie souhaité, j’ai donc eu plaisir malgré tout à me changer les idées. D’ailleurs, tout ce que j’ai pu dire n’était qu’un prélude (un peu long j'en conviens) à une explication sur ma semaine de travail. En effet, la motivation a été dure à trouver cette semaine, avec mon talon qui m’inquiétait déjà fortement, une radio et une écho qui n’ont rien donné de plus, je ferai donc attention à l’avenir. Oui, pas simple de continuer en télétravail alors qu’il ne reste que deux semaines, et que les enfants n’en peuvent plus, que rares sont les devoirs rendus et que l’inspiration est plus lointaine à mon esprit également. Se faisant, les choses ont été faites malgré tout, jusqu’à vendredi matin. Réunion à 10h  en visio pour parler de la structure de l’an prochain. Là-dessus peu de surprise mais à la fin, j’ai eu un tête à tête privée avec la directrice et des propos auxquels je ne m’attendais pas. Ainsi, je me suis entendu dire que je resterai en CE1 alors que j’avais expressément demandé à changer, de niveau et de collègues, mais aussi que je suis immature et borné. Autant, le contexte de l’établissement me fait entendre que la nécessité de me laisser dans ma classe peut être compréhensible même si c’est délicat ; ça reste acceptable. La suite des propos a été beaucoup plus difficile à recevoir. Ce n’est pas la première fois qu’elle me le dit de cette manière mais j’avoue que cette réitération fut fort mal prise. Ce n’est pas pour rien que je pense ce que je pense (oui tautologie)  à son encontre, ce qui me semble être presque de la malveillance de sa part à mon égard. Il est difficile de se motiver à travailler après ce genre de chose. Pourtant j’ai une année à finir avec des élèves qui méritent que je le fasse au mieux, et j’accueillerai l’an prochain un nouveau groupe de la même manière. Elle ne m’empêchera pas d’être professionnel, mais la démotivation provoquée par ses propos me projette sur une année de travail qui me donnerait presque envie d’y renoncer. Il m'a semblé avoir été perçu comme un gamin débarqué à l’étranger par bonheur, ne souhaitant que s’amuser, ce qui est vrai dans ma vie privée. Mais ça n’a jamais été le cas dans ma vie professionnelle. Alors, me voir ainsi traité m’amène à une forte désillusion. La plus difficile que j’ai eu pour l’instant dans ma jeune carrière d’enseignant. Je prends peut-être les choses trop à cœur, mais il est compliqué de travailler dans l’adversité comme cette année. Alors quand viendra septembre et mon retour dans ce cher Liban, je devrai faire preuve de force pour poursuivre avec ces personnes qui n’aident pas à élever l’éducation.

Je me montre un peu véhément c’est sûr, la rancune est une compagne amère de ma solitude actuelle. Mais la réduire au silence serait ne pas assumer le malaise provoqué. Pour autant, à peine exprimée, elle commence déjà fortement à s’apaiser, à se faire moins violente et plus lointaine. C’est aussi pour ça que j’écris, pour me soulager du mal-être qui peut être engendré parfois. Je l’ai fait plus jeune dans des poèmes, dans des lettres ou mes carnets. Voilà que je me rappelle à mon dernier carnet, coincé à Beyrouth que je ne verrai avant septembre. Ce sera surement la plus longue période depuis l’ouverture du premier sans une goutte d’encre dans ces carnets du quotidien. Oui, il y a bien sûr les autres carnets, de vacances, de voyages, mais ce n’est pas la même chose. Je retrouverai ce papier à Beyrouth, d’ici là, mon humeur aura forcément changée. Je me plains d’une désillusion, mais il est clair que ma solitude actuelle, volontaire, l’exacerbe aussi un peu, ne devant faire les choses que pour moi-même, je peux rester sur cette pensée bien plus que si je devais m’occuper d’autres. Ce moment seul, apprécié après deux mois de confinement peut révéler parfois ses limites, car sans moyen de locomotion, il est clair que je suis vraiment au calme ici, peut-être trop ? C’est une question à envisager. Nul besoin de m’étendre sur le sujet, mais l’été qui s’annonce me confirme qu’il faudra que je bouge, que je reparte en vadrouille afin de respirer de la manière qui me sied. J’ai ce besoin, cette nécessité, j’espère que le virus ne pourra m’en empêcher.

Enfin je finirai  par ce dernier mot, engagement. Oui, je me suis engagé dans cette profession qui est la mienne en me promettant de la faire au mieux, quoiqu’il advienne, d'apprendre et toujours me former. C’est donc ce qui sera pour les prochaines semaines et en septembre, je ferai fi, je ferai face, et plus encore, je me donnerai à fond. Après tout ça, je ne prolongerai pas en parlant à nouveau de la révolution du Liban, ni de violences policières, je me permettrai de rester sur mon nombril pour cette fois. Malgré la pluie au dehors, j’aspire au voyage, peut-être verrais-je l’Etna, le Stromboli et les champs d’olivier de la Sicile. Peut-être que les colonnes baroques du Belvédère de Wien s’ouvriront à mes yeux. Il est encore trop tôt pour le dire, juste le désirer. Je serai donc en attendant au travers de mes pages en Normandie, dans d’autres parties du globe avec les films et les séries, et même plus loin en musique.

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